Paul & Jane
Passionné par les peintres qui surent, sans pittoresque, mettre en scène sa terre natale du pays bigouden dans le Finistère sud, Bruno Le Floc’h (1957-2012) nourrira ses albums en se référant, souvent de manière inconsciente, à des artistes qu’il affectionnait, tels Henri Rivière, Lucien Simon, Jean Julien Lemordant ou Mathurin Méheut. Révélé par son deuxième album, le lumineux Trois éclats blancs (éd. Delcourt, prix René-Goscinny 2004), le dessinateur-scénariste parlera souvent de la mer et des marins en ses récits dessinés. « Je suis breton, dira-t-il ainsi en janvier 2012. Ayant vécu dans un monde de marins-pêcheurs, je connais la dureté du milieu. Dans mon petit port de Loctudy ou dans le quartier maritime du Guilvinec, il y avait toujours des naufrages, des marins qui disparaissaient, autant de familles endeuillées. La mer est un monde très dur… »
Certes, tous les albums de Bruno Le Floc’h ne prennent pas pour cadre la Bretagne, à l’image de sa trilogie Chroniques Outremers (éd. Dargaud, 2011-2012), mais la dimension maritime – avec ses promesses d’aventures et ses dangereuses incertitudes – est définitivement liée à son imaginaire d’auteur, de créateur, de raconteur d’histoires comme il aimait à se définir. « La mer, pour moi, c’est ma maison, je l’ai dans le sang. La mer est là, elle est hyper présente. C’est presque une seconde nature... » Force est de constater qu’elle est omniprésente dans ses récits Au bord du monde, Trois éclats blancs, Paysage au chien rouge, et même en ses touchants Une après-midi d’été, et Saint-Germain, puis roulez vers l’ouest !…
Avec la complicité de son épouse Armelle Le Minor qui lui fit aimer les grands textes de la poésie française, nous vous présentons une confrontation inédite entre la force des dessins de Bruno Le Floc’h et l’un des plus fameux poèmes maritimes de Victor Hugo, Oceano nox – un texte sombre et grandiose composé en juillet 1836 et publié en 1840 au sein du recueil Les Rayons et les Ombres. Le face à face entre l’homme et l’océan ne peut aboutir qu’à sa destruction. L’homme moderne est toujours soumis à la force dévastatrice de l’océan. Il en résulte un saisissant regard croisé où l’inquiétante immensité de la mer exalte le marin embarqué et angoisse la femme restée au port. La mer, terreur et fascination : deux qualificatifs qui résument bien l’affect du créateur Bruno Le Floc’h face à l’une des plus fortes composantes de son existence.
Puisse ce dialogue imaginaire entre ces deux artistes nous rappeler que l’homme n’est rien face aux étendues océaniques. Cherchant à atteindre l’horizon, le bout de l’inconnu, le marin ne rentre pas toujours à son port d’attache. Bruno Le Floc’h le savait bien, et il le sublima dans ses albums de bande dessinée dont nous vous présentons ici une sélection d’extraits en compagnie d’originaux et de travaux de recherche issus de son atelier du quai Saint-Laurent, à Pont-l’Abbé, généreusement ouvert par son épouse.
Concluons sur ces quelques vers du Bateau ivre dûs à un autre génie de la poésie, Arthur Rimbaud, un poème qu’il écrivit à l’âge de seize ans et qui résonne lui aussi fort étrangement avec l’œuvre de Bruno Le Floc’h :
Brieg Haslé-Le Gall
(Journaliste et historien de la BD, Brieg Haslé-Le Gall est le président de l’association « Les Amis de Bruno Le Floc’h », coauteur avec Armelle Le Minor de la monographie Une mode à croquer. Bruno Le Floc’h et son Pays bigouden, éd. Locus Solus).
Dates Du 10 au 12 octobre
Lieu Palais du Grand Large, Salle du Grand Large
Public Tous publics
Thématique Grand public
Scénographie Anne CHOTARD, Brieg HASLE-LE GALL, Lucien ROLLIN